La traversée des sens
Ce qui m’a le plus marqué ce sont les odeurs. La délicieuse senteur du café chaud en début de journée en traversant la première classe. Le remugle des sièges dans les wagons les plus anciens. La fragrance du savon dans les toilettes, parfois lavande, parfois boisée, toujours différente, plus ou moins forte jusqu’à piquer les narines. Et puis le bouquet des pins, le parfum des fleurs de montagne, de l’eau bourdonnante quand on ouvre la fenêtre, les effluves de la ferme et de ses vaches aux cloches grelottantes. Qui eu cru que les odeurs pouvaient autant faire voyager, imprégner.
Il y a tous ces trains, ces wagons aux formes, aux sièges, aux fenêtres différentes. Aucun ne se ressemble sauf de l’extérieur avec leur jolie peinture rouge. Il y a le vent qui emporte les cheveux, parfois chaud, parfois froid selon si l’on passe dans un tunnel ou si le train navigue sur l’ubac. Cela nous rappelle à quel point l’extérieur est mouvant, tangible depuis notre coffre de métal. Et puis les rails qui défilent, qui tournent, qui montent avant de redescendre en serpent. On dirait qu’ils jouent, à faire les formes les plus impressionnantes, à chercher jusqu’où le train pourra aller, à quel point il pourra encercler les lacs d’eau transparente, grimper la montagne jusqu’à s’enfoncer dans les profondeurs des Alpes.
_Anaëlle Rapet